Jalouse.

La jalousie est un très vilain défaut, dit-on. J’ai eu envie de décortiquer la jalousie, ce poison, peut-être de manière cathartique : j’ai honte, mais je suis souvent jalouse. C’est difficile de l’avouer. Tout de suite, cela fait de moi une personne vile.

Problemos
7 min ⋅ 05/01/2024

Dans la pop culture, le cinéma, les dessins animés, le méchant personnage est souvent un être jaloux. Prenez Blanche-Neige par exemple, sa belle-mère est jalouse de sa beauté. Elle tente même de zigouiller Blanche-Neige pour être érigée au rang de “plus belle femme” du royaume. Dans Cendrillon, les soeurs de la belle la jalousent encore pour sa beauté. Bon, il s’agit toujours d’histoire de beauté. Mais dans la vraie vie, la jalousie cible souvent la réussite, l’argent, la beauté, l’amour, le succès.

Allez, je vais vous faire réfléchir un peu, entamer une mini-introspection. Avez-vous déjà senti le venin de la jalousie vous envahir, cellule par cellule, glisser dans vos veines pour venir corrompre votre coeur ? Avez-vous déjà esquissé un sourire artificiel, forcé sur les commissures de vos lèvres parce que votre interlocuteur vous annonce une bonne nouvelle qui vous emplit de jalousie ? Pire, avez-vous déjà cessé de côtoyer quelqu’un pendant un temps parce que cette personne, ou sa vie générait en vous cette émotion négative, si mal perçue dans notre société ?

Si oui, alors rassurez-vous, vous êtes normal.e (ou alors, je suis la seule et je suis un monstre).

Je me suis interrogée sur la jalousie parce que, lorsqu’elle survient, elle est douloureuse. J’ai voulu la décortiquer, extraire son essence, comprendre d’où elle vient, pourquoi, mais aussi mettre le doigt sur la meilleure manière de l’éradiquer.

Du plus loin que je me souvienne, je n’ai pas toujours été jalouse. D’abord, j’ai été envieuse, ce qui est légèrement différent. Comme la nuance est subtile, j’ai interrogé le dictionnaire.

Comment définit-on la jalousie ? L’avis du dictionnaire.

Jalousie

  • 1. Littéraire. Vif attachement à quelque chose : Garder un secret avec une extrême jalousie.

  • 2. Sentiment fondé sur le désir de posséder la personne aimée et sur la crainte de la perdre au profit d'un rival : Être torturé par la jalousie.

    Synonymes :

    envie - ombrage - rivalité

  • 3. Dépit envieux ressenti à la vue des avantages d'autrui.

Envie

  • Convoitise, mêlée ou non de dépit ou de haine, à la vue du bonheur ou des avantages de quelqu'un ; jalousie : Regarder le gagnant avec envie.

    Synonymes :

    convoitise - jalousie

  • 2. Désir d'avoir ou de faire quelque chose, désir que quelque chose arrive : Avoir envie de vacances.

  • 3. Besoin organique soudain de quelque chose : Être pris d'une envie soudaine de vomir.

Ainsi, à mes yeux, la différence entre les deux réside dans le fait que l’émotion de la jalousie est lié à un sentiment de dépit ou de haine, tandis que l’envie est davantage plus axée sur le désir d’avoir quelque chose qu’une autre personne possède, le tout accompagné d’une certaine admiration.

Ces filles que j’enviais

Quand j’étais adolescente, j’enviais les filles de mon collège et de mon lycée. Je me trouvais laide, sans intérêt, avec ma peau grêlée par l’acné, mes cheveux similaires à du crin de cheval, rêche, ni lisse, ni bouclé et ces lunettes vertes, qui me donnaient constamment l’air candide d’une victime. Je voulais, moi aussi, arborer une longue chevelure de seigle, avoir des yeux comme des émeraudes, des traits harmonieux. Je les enviais, et à mes yeux, il s’agit d’envie, justement parce que cette émotion était teintée d’une forme d’admiration. Elle ne tendait pas vers l’obscurité mais vers la lumière.

Jérémy et Hélène

Quand j’ai eu vingt ans, j’étais amoureuse d’un type, Jérémy. Jérémy m’a éconduite et a entamé une relation avec Hélène, une fille discrète, que je n’avais jamais remarquée jusque-là. Hélène ne me faisait ni chaud ni froid. Je la trouvais même mignonne, touchante. Et bien devinez quoi ? Je me suis mise à jalouser Hélène. Je dis bien “jalouser” et non “envier” car il y avait quelque chose de vilain dans ma façon de la dévisager. Je ne posais plus les yeux sur elle avec neutralité, je scannais le moindre de ses défauts pour la déprécier. Mignonne ? Elle ne l’était plus du tout à mes yeux, et soudain, je songeais “Mais qu’est-ce qu’il lui trouve ? Elle a toujours un air ahuri.”

La jalousie a ainsi investi le maigre domaine amoureux de mon existence, et d’ailleurs, aujourd’hui, c’est à l’Amour qu’on associe le plus fréquemment la jalousie.

Cricri le jaloux “maladif”

Cette année-là, pour oublier Jérémy, j’ai accepté les avances de Cricri. Cricri était sympathique, mais jaloux. Jaloux maladif. Chaque fois que je voulais assister à une soirée sans lui, par exemple une soirée chez une amie, il me faisait une scène. Le fait de savoir que des représentants du sexe masculin se trouvaient à cette soirée et pourraient m’aborder, converser avec moi le rendait fou.

Un jour, mon amie lui a écrit discrètement pour lui demander si une place au gala le plus prisé de la ville, celui de l’école de commerce, me ferait plaisir pour mon anniversaire. La réponse de Cricri a été lapidaire : “Si j’y vais pas, elle n’y va pas non plus”. Un soir, Crici voulait rentrer se coucher, il travaillait tôt le lendemain matin. Je n’avais pas cours et j’ai proposé qu’il me dépose près de la plage afin que je puisse rejoindre notre groupe d’amis dans un bar. Une colère noire a défiguré Cricri. Il s’est mis à hurler dans l’habitacle de la voiture et à faire des tours dans les rues du quartier de plus en plus vite pour m’empêcher de sortir de la voiture. Bref, je crois que vous l’aurez compris, Cricri était fou… de jalousie.

Comment cette histoire avec Cricri s’est-elle terminée ?

Notre relation sentait mauvais, une odeur plus nauséabonde que celle qui émane d’une poubelle qui déborde depuis trois jours. Toutefois, j’ai quand même continué à voir Cricri, sans trop m’attacher. Un après-midi, alors que Cricri jouait au ballon sur la plage, j’ai empoigné son téléphone (ne me jugez pas, s’il vous plaît !). Et ce que j’y ai découvert m’a scotchée : Cricri m’interdisait d’aller à des soirées sans lui et fulminait de rage dès lors que je me rendais dans un bar peuplé de mecs mais ne se privait pas pour envoyer des sms coquins à des femmes de son répertoire. Salaud, va.

Ce que ça m’a appris sur la jalousie

Cricri avait un problème de confiance en lui. Et l’équation était simple à comprendre :

Cricri ne se faisait pas confiance, il avait peur de ne pas être à la hauteur donc…

Cricri se laissait submerger par ses émotions chaque fois qu’il sentait que je pouvais rencontrer des mecs susceptibles de me faire ouvrir les yeux sur sa prétendue (et en fait véritable) inconsistance.

Cricri avait besoin de se rassurer en draguant d’autres meufs.

Cricri supputait peut-être aussi que, puisque lui s’adonnait à l’envoi de sms coquins à ces demoiselles, peut-être étais-je aussi coupable que lui ? Peut-être étais-je une séductrice de mon côté ? La jalousie fonctionne parfois par mimétisme.

End of the story.

Quand j’étais jeune, je pensais que la jalousie était un problème lié à quelqu’un d’autre.

Par la suite, j’ai compris qu’il s’agit d’un problème avec soi-même.

Je me suis remémoré toutes les situations de ma vie d’adulte lors desquelles j’ai été jalouse.

Attention, confidences… pas beau à voir. Mais j’assume, au nom de l’analyse de l’émotion.

Mon côté obscur : je suis une jalouse

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Par Hanna Anthony

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